"6 juin 1944, Omaha Beach, la Pointe-Guillaume
La péniche ouvrit son ventre. Les cent quatre-vingt-huit rangers plongèrent dans l'eau froide puis se dispersèrent rapidement. Vus du haut de la Pointe-Guillaume, ils n'étaient guère plus grands que des fourmis sur une nappe froissée.
Difficiles à viser.
Lucky Marry parvint le premier sur la plage, à peine essoufflé. Il s'allongea dans le sable humide, protégé par un petit bloc de granit et la lourde caisse d'explosifs qu'il posa devant lui. Il entendit des bruits de pas rapides dans son dos et un souffle court. Ralph Finn se jeta lui aussi derrière l'abri de fortune.
Vivant !
Il regarda un instant la Pointe-Guillaume, tout en haut dans la brume, puis le mur de béton, cinquante mètres devant eux. Il sourit à Lucky, un sourire de brave type pris dans la tourmente du monde, et pourtant prêt à se comporter en héros anonyme.
Une explosion retentit à moins de dix mètres d'eux. Sans un cri. Des nuages de sable mouillé s'élevèrent. Alan Woe surgit du brouillard et s'allongea à côté de Lucky et Ralph.
Vivant lui aussi !
Son regard s'enfonça dans celui de Lucky. Un regard calme, empreint de sagesse. Un supplément d'humanité. A quoi cela lui servait, ici ?
- Un ! hurla le lieutenant Dean.
Immédiatement, comme des machines bien entraînées, Lucky, Ralph, Alan pointèrent leurs armes en direction de la Pointe-Guillaume et tirèrent. La mitraille devint assourdissante. Une pluie de balles s'abattit sur le blockhaus juché au sommet du piton rocheux. Tout en visant, Lucky se forçait à penser à Alice. Il s'en sortirait, grâce à elle, comme toujours.
Un hurlement déchira le vacarme des détonations. Le malheureux Benjamin Yves n'était pas allé loin."
Curieux et surprenant roman que ce Gravé dans le sable, le premier écrit par Michel Bussi et paru une première fois sous le titre Omaha crimes. Débutant le jour du débarquement au sein de la violence des combats de ce 6 juin 1944, ce n'est pourtant pas un récit de guerre puisque très rapidement l'intrigue se développera une vingtaine d'années plus tard en Normandie mais aussi à Washington où Alice, l'ancienne fiancée d'un soldat américain mort au front, apprend qu'elle aurait dû toucher un pactole en raison d'un "contrat" passé entre son fiancé et un autre vétéran avant les affrontements. Alice décide alors de se lancer dans une enquête où elle va croiser d'anciens soldats, un détective privé, une sénatrice autoritaire, un tueur, et tout cela dans une histoire assez singulière de par sa construction et qui témoigne de l'intelligence de son auteur.
L'une des forces de l'écriture de Michel Bussi est d'alterner les points de vue en fonction des personnes en présence et de ce qu'ils vivent. Cette façon d'écrire rend le récit intéressant, vivant, et d'autant plus que les personnages sont assez originaux, à l'image de ce coiffeur tueur à gage qu'une sénatrice américaine conservatrice embauche dans une séquence qui apparait comme un malentendu.
Il y a ainsi beaucoup d'ironie dans tout ce que narre Michel Bussi, ce qui m'a valu plusieurs fous rires. L'ironie semble être également de mise dans l'enchaînement des situations, des plages du débarquement jusqu'aux États-Unis des années soixante et la Normandie des soixante-dix... où tout est constamment et intimement lié par un destin qui semble se jouer des protagonistes. Et pourtant, malgré cette ironie, l'auteur est régulièrement capable de saisir le lecteur par des moments d'une forte intensité dramatique.
Ce qui se joue en 1944 à partir d'un simple tirage au sort et qui touche plusieurs personnes, plusieurs familles, en France comme aux Etats-Unis, aura des répercussions jusqu'au début des années quatre-vingt-dix. Au sein de la grande histoire s'en jouent des petites qui font finalement la grande et réciproquement.
La péniche ouvrit son ventre. Les cent quatre-vingt-huit rangers plongèrent dans l'eau froide puis se dispersèrent rapidement. Vus du haut de la Pointe-Guillaume, ils n'étaient guère plus grands que des fourmis sur une nappe froissée.
Difficiles à viser.
Lucky Marry parvint le premier sur la plage, à peine essoufflé. Il s'allongea dans le sable humide, protégé par un petit bloc de granit et la lourde caisse d'explosifs qu'il posa devant lui. Il entendit des bruits de pas rapides dans son dos et un souffle court. Ralph Finn se jeta lui aussi derrière l'abri de fortune.
Vivant !
Il regarda un instant la Pointe-Guillaume, tout en haut dans la brume, puis le mur de béton, cinquante mètres devant eux. Il sourit à Lucky, un sourire de brave type pris dans la tourmente du monde, et pourtant prêt à se comporter en héros anonyme.
Une explosion retentit à moins de dix mètres d'eux. Sans un cri. Des nuages de sable mouillé s'élevèrent. Alan Woe surgit du brouillard et s'allongea à côté de Lucky et Ralph.
Vivant lui aussi !
Son regard s'enfonça dans celui de Lucky. Un regard calme, empreint de sagesse. Un supplément d'humanité. A quoi cela lui servait, ici ?
- Un ! hurla le lieutenant Dean.
Immédiatement, comme des machines bien entraînées, Lucky, Ralph, Alan pointèrent leurs armes en direction de la Pointe-Guillaume et tirèrent. La mitraille devint assourdissante. Une pluie de balles s'abattit sur le blockhaus juché au sommet du piton rocheux. Tout en visant, Lucky se forçait à penser à Alice. Il s'en sortirait, grâce à elle, comme toujours.
Un hurlement déchira le vacarme des détonations. Le malheureux Benjamin Yves n'était pas allé loin."
Curieux et surprenant roman que ce Gravé dans le sable, le premier écrit par Michel Bussi et paru une première fois sous le titre Omaha crimes. Débutant le jour du débarquement au sein de la violence des combats de ce 6 juin 1944, ce n'est pourtant pas un récit de guerre puisque très rapidement l'intrigue se développera une vingtaine d'années plus tard en Normandie mais aussi à Washington où Alice, l'ancienne fiancée d'un soldat américain mort au front, apprend qu'elle aurait dû toucher un pactole en raison d'un "contrat" passé entre son fiancé et un autre vétéran avant les affrontements. Alice décide alors de se lancer dans une enquête où elle va croiser d'anciens soldats, un détective privé, une sénatrice autoritaire, un tueur, et tout cela dans une histoire assez singulière de par sa construction et qui témoigne de l'intelligence de son auteur.
L'une des forces de l'écriture de Michel Bussi est d'alterner les points de vue en fonction des personnes en présence et de ce qu'ils vivent. Cette façon d'écrire rend le récit intéressant, vivant, et d'autant plus que les personnages sont assez originaux, à l'image de ce coiffeur tueur à gage qu'une sénatrice américaine conservatrice embauche dans une séquence qui apparait comme un malentendu.
Il y a ainsi beaucoup d'ironie dans tout ce que narre Michel Bussi, ce qui m'a valu plusieurs fous rires. L'ironie semble être également de mise dans l'enchaînement des situations, des plages du débarquement jusqu'aux États-Unis des années soixante et la Normandie des soixante-dix... où tout est constamment et intimement lié par un destin qui semble se jouer des protagonistes. Et pourtant, malgré cette ironie, l'auteur est régulièrement capable de saisir le lecteur par des moments d'une forte intensité dramatique.
Ce qui se joue en 1944 à partir d'un simple tirage au sort et qui touche plusieurs personnes, plusieurs familles, en France comme aux Etats-Unis, aura des répercussions jusqu'au début des années quatre-vingt-dix. Au sein de la grande histoire s'en jouent des petites qui font finalement la grande et réciproquement.
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