Accéder au contenu principal

The diamond smugglers (1957) - Ian Fleming

James Bond 007 a été créé par Ian Fleming qui a consacré la plupart de ses livres à son héros fétiche, double fantasmé de lui même. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il est l'auteur d'autres récits ne mettant pas en scène l'espion anglais. Bien sûr ceux-ci font figure d'exception. Pour 14 titres consacrés à James Bond, les lecteurs en ont 3 qui ne le sont pas.

The diamond smugglers est le premier. Paru en 1957, il ne s'agit nullement d'une fiction mais d'une sorte de reportage consacré au trafic de diamants constituant principalement en un témoignage d'un certain John Blaize, membre de l'Organisation Internationale de Sécurité de l'Industrie du Diamant (O.I.S.D). A en croire Fleming, John Blaize est un agent des services de renseignements de l'Armée anglaise à qui on a demandé d'intégrer une équipe chargée de lutter contre ce trafic de diamants entre les anciennes colonies africaines britanniques (Sierra Leone, Afrique du Sud) et l'Europe. Pour cela a donc été créée cette O.I.S.D qui a eu une courte existence. Ainsi, Ian Fleming retranscrit sur papier les histoires de cet agent dont les initiales du pseudonyme n'ont certainement pas été choisies au hasard (John Blaize - James Bond).

A priori, rien de bien excitant à moins d'être passionné par la pierre en question, par son trafic ou pourquoi pas, les sujets liés aux anciennes colonies. Seulement, on peut se rendre compte que Ian Fleming est un excellent conteur. Quelque chose qui aurait pu être barbant devient un objet plutôt captivant et je suis loin d'être intéressé par la contrebande de diamants dans les années 50.

Je dois reconnaître qu'adolescent, période où j'ai lu les Fleming, j'ai mis de côté les récits qui ne concernaient pas James Bond. C'était stupide. Je pensais que le livre était un compte rendu de l'écrivain sur la documentation qui lui avait servi de base à l'écriture de Diamonds are forever. Ce n'est pas le cas et on s'en aperçoit quand l'ancien agent de l'O.I.S.D évoque le roman en disant que son travail consistait à "découvrir une filière secrète de contrebande, à coller un espion à un bout, dans l'espoir qu'il parviendrait à la remonter jusqu'au point de départ. Un peu comme ce bouquin que vous avez écrit l'an dernier ; mais dans le secteur des gisements diamantifères, les filles ne sont pas aussi jolies". Pas de Tiffany Case donc pour seconder les vrais espions dans la réalité.


The diamond smugglers consiste en quelques histoires racontées par John Blaize que Ian Fleming commente et agrémente de ses réflexions. Les deux hommes ne manquent pas d'humour et les histoires peuvent prendre alors une allure assez cocasse. Celle qui m'a fait le plus sourire par l'ironie qu'elle contient est celle de ce prospecteur officiel de l'entreprise diamantaire De Beers, un certain Tim Patterson à qui avait été confié la recherche de diamants le long de la côte du Sud-Ouest Africain prêt de Oranjemund. Souvent seul dans son travail, il avait enfoui une importante quantité de diamants dans le sable à un point précis. Après avoir pris soin de démissionner de la De Beers, il est revenu sur les lieux à bord d'un avion, le pilote de l'engin étant bien évidemment complice. Ils se sont posé, ont récupéré les diamants mais alors que l'avion redécollait, une roue touche un rocher et c'est l'accident. Forcément, un ancien prospecteur qui se plante en avion à proximité de son ancien lieu de travail, ça éveille les soupçons.

Ainsi, Fleming remarque que "La plupart du temps, les commentaires de Blaize sur les gens qu'il avait rencontrés au cours de ces trois années étaient bienveillants. Il parlait des contrebandiers sur le ton amusé et paternel que les policiers emploient fréquemment pour parler des escrocs qu'ils ont eu l'occasion d'arrêter".

A ces histoires dans le fond amusantes, s'ajoute régulièrement des descriptions du lieu où se trouvent Fleming et Blaize. Il s'agit de Tanger et l'auteur ne manque pas de nous faire partager les décors, toujours avec une plume fluide et agréable.

En revanche, là où Fleming reste muet, c'est à propos de l'exploitation des richesses africaines par les colonies occidentales. Il lui semble naturel que l'homme blanc pille (car il s'agit bien d'un pillage) sans vergogne les sous-sols de ce continent en utilisant l'homme noir aux tâches les plus ingrates, les moins valorisantes, les moins rémunérées. Les exploitations minières sont quand même des endroits où les déplacements sont surveillés et pour sortir de leur périmètre, il faut passer plusieurs points de contrôle et d'inspection. A ce sujet, on remarque que le contrôle des noirs travaillant dans les mines est plus contraignant que pour les blancs.

Cependant, Blaize affirme que parmi les contrebandiers "le plus dangereux de tous est l'employé européen très respectable d'une compagnie, qui fait des affaires à son compte. Il n'a pas de casier judiciaire, mais il est soudain séduit à l'idée d'avoir 50000 livres à la banque, peut-être une Cadillac et une maîtresse à Paris. Vous n'avez rien qui puisse vous mettre sur la piste d'un homme comme celui-là. Il est honnête, et c'est au cours de la nuit prochaine qu'il va décider de devenir un escroc". De plus, à propos du Libéria  et malgré le fait que Blaize soit dans le "camp" des colons et qu'il "méprisait ces Nègres d'opéra-comique qui occupaient des positions officielles", Fleming rapporte qu'il "avait une opinion pire encore des blancs qui les manoeuvraient et ne faisaient que les inciter à plus de vénalité".

Aujourd'hui, The diamond smugglers se lit comme le témoignage d'une époque, un peu comme ces documentaires aux images en noir et blanc à la pellicule rayée.


Commentaires

  1. Bravo, toujours un très bel article, toujours ce sens de la synthèse. Ce n'est pas facile.
    Effectivement, Les Contrebandiers du diamant n'ont a priori rien pour intéresser, d'autant que la situation décrite est forcément dépassée, périmée.
    Seulement voilà, il y a Fleming, sa plume toujours lucide et son humour constant. Et ça change tout. Tout comme Thrilling Cities, absurdement traduit Des villes pour James Bond, sera un merveilleux, passionnant recueil de récits de voyage. Mais nous n'en sommes pas encore là, puisque -- avec raison -- vous traitez tous les livres dans l'ordre chronologique. On attend donc votre future présentation de Thrilling Cities.
    Dans l'immédiat, le prochain article sera consacré à Bons baisers de Russie. N'anticipons pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Encore merci Jacques, pour vos compliments.

      Thrilling cities viendra quand ce sera son tour mais je n'arrive pas à savoir s'il a été publié avant ou après Au service secret de Sa Majesté. Je n'ai pas trouvé un seul site internet qui permette de le savoir. J'ai un ancien Bondmag consacré à Fleming, je regarderai dedans si cette info s'y trouve mais je ne l'ai pas en ma possession chez moi.

      Il y a aussi ce conte pour enfants Chitty chitty bang bang. Je ne l'ai pas mais j'ai vu qu'il était possible de le commander sur des sites comme Amazon. Je n'ai pas vu l'adaptation cinématographique non plus.

      Sinon, oui, le prochain à venir est Bons baisers de Russie. J'en ai commencé la lecture hier soir.

      A bientôt.

      Sébastien

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Vertige (2011) - Franck Thilliez

J'ai découvert Franck Thilliez  il y a quelques années avec La chambre des morts , polar que j'avais apprécié lire. Plus tard, j'ai lu Train d'enfer pour ange rouge , thriller plutôt bien construit qui plonge le lecteur dans un univers qui se montre de plus en plus effrayant. J'ai achevé la lecture de  Vertige  récemment, son avant dernier livre qui me fait dire que l'auteur s'est amélioré entre ses premières œuvres et celle-ci ; Avec toujours ce goût pour les descriptions de scènes et situations morbides. Jonathan Touvier se réveille au fond d'une grotte glacée. Il est attaché au poignet par une chaîne qui restreint considérablement son champs de déplacement. Il y a son chien aussi, endormi et qui ne tardera pas à sortir du sommeil dans lequel il a été plongé. Deux autres hommes aussi se réveillent dans le même lieu : Farid, qui lui est enchaîné à la cheville et Michel, libre de ses mouvements mais qui a un masque de fer fixé autour de la tête. P

Licence to kill (1989) - John Glen

Licence to kill est le premier James Bond que j'ai vu au cinéma. A l'époque, j'avais été un peu déçu, le canevas scénaristique étant similaire à de nombreuses productions cinématographiques des années quatre-vingts, à savoir une histoire de vengeance sur fond de trafic de drogue. Depuis, je l'ai revu à la hausse. En effet, bien qu'il s'agisse pour la première fois d'un titre non issu des écrits de Ian Fleming, il me semble plutôt fidèle à l'esprit du créateur de James Bond. Il s'inspire d'ailleurs d'éléments qui avaient été ignorés dans les précédentes adaptations, en premier lieu la mutilation de Felix Leiter ( David Hedison ), jeté dans la mâchoire d'un requin, événement dramatique qui intervient dans le roman Live and let die mais entièrement ignoré dans sa pitoyable adaptation de 1973 . Dans Licence to kill , Leiter est jeté au requin alors qu'il vient tout juste de se marier. Parallèlement, Della, son épouse, sera t

Bad taste (1987) - Peter Jackson

" Un film de Peter Jackson le réalisateur du Seigneur des anneaux ", voilà ce qu'on peut lire sur la boite du DVD sorti en 2006 de Bad taste . Si Peter Jackson est bien le réalisateur des deux films, je n'ai pu que m'amuser devant l'affirmation opportuniste insérée ici car les deux longs métrages n'ont rien en commun si ce n'est, effectivement, d'avoir le même metteur en scène. Quelques années auparavant, la trilogie The lord of the rings avait fait un carton en salle, et visiblement, le distributeur de Bad taste entendait en profiter pour vendre quelques galettes. Personnellement, j'étais ravi de voir le premier film de Peter Jackson en DVD car depuis sa sortie dans les années quatre vingts, j'admire son thème parfaitement idiot, sa mise en scène outrancière, son humour potache et cradingue, ses délires gores, et tout cela fait dans un total amateurisme avec une bande de copains. Des extraterrestres carnivores ont décimé