Dans mon enfance, il y a quelques films qui m'ont marqué mais pour chacun d'entre eux ne me restait qu'une image : un être amphibie nageant au fond d'un lac (The creature from the black lagoon), une femme habillée en cow-boy face à des hommes menaçants (Johnny Guitar), un homme qui retire un masque pour révéler un visage de femme qui rit en regardant des voitures s'éloigner de son manoir (Murder by death), une communauté vivant dans les catacombes de Paris (Les gaspards) et enfin un décor apocalyptique où tentent de survivre une poignée de personnes (Malevil). Ces long-métrages étant loin de bénéficier d'une diffusion télé annuelle, les occasions de les revoir furent nulles et leur souvenir se perdit dans les tréfonds de ma mémoire pour se résumer à ces quelques images. Pourquoi ceux-là ? Leur originalité propre a dû marquer mon imaginaire.
Avec l'apparition du dvd et constatant la sortie de titres rares et oubliés, ces films remontèrent à la surface et je caressai l'espoir de pouvoir me les procurer et enfin les revoir. Pour Murder by death, j'en avais même oublié le titre (Un cadavre au dessert en français) et j'ai dû faire quelques recherches sur internet. Heureusement qu'il y a des pointures dans les forums qui sur un simple souvenir peuvent vous sortir le titre de l'oeuvre. Ces films étant diffusés à très peu d'exemplaires, il fallait être perspicace pour ne pas louper leur sortie et Malevil est le plus rare dans ce format. Il n'en existe qu'une édition... allemande.
C'est de ce dernier dont il s'agit aujourd'hui. C'est toujours un risque de revoir un film qui a marqué quand on était enfant. Parfois la déception est cruelle tant l'oeuvre nous apparaît nettement moins formidable que ce qu'on avait gardé en mémoire. Pour ceux cités au-dessus, ce ne fût pas le cas et Malevil m'a rejeté à la figure son environnement post-apocalyptique déprimant et dangereux.
L'article contient des révélations sur la fin du film
Le film débute sur une voiture de la poste roulant à travers des routes de campagne, elle s'arrête près d'un agriculteur qui charge des containers de lait dans un camion, on parle de se retrouver au café le soir puis elle croise des enfants qui se rendent à l'école à vélo, on voit des moutons, des vaches et les pâturages sont d'un vert éclatant jusqu'à la propriété d'Emmanuel Comte (Michel Serrault), maire de Malevil où le postier se rend. On est dans la France typiquement rurale et calme (le film a en partie été tourné à Le Caylar dans l'Hérault).
Emmanuel Comte reçoit dans son domaine quelques personnes afin de discuter d'un réverbère dont le futur emplacement pose problème au pharmacien du village. Une scène plutôt banale de la vie municipale où l'on sent bien qu'un sujet aussi anodin peut se transformer en crise politique et même coûter le fauteuil du premier magistrat. Soudain, sans prévenir, alors qu'ils boivent un verre de vin dans la cave d'Emmanuel pour consacrer l'accord qui vient d'être trouvé, les lampes s'éteignent, la radio grésille, la température grimpe instantanément, une lumière blanche perce les fenêtres, un son insupportable agresse les oreilles et la terre tremble. Un moment qui semble durer une éternité. Quand enfin le phénomène se calme, un homme apparaît dans la descente des escaliers, les chairs en sang, les vêtements en lambeaux et s'écroule devant eux. Dehors, le monde n'est plus qu'un tas de cendres.
Pas besoin à Christian de Chalonge d'user et d'abuser d'effets spéciaux pour nous faire comprendre de façon convaincante et angoissante qu'une catastrophe de grande ampleur a lieu alors qu'il filme simplement les personnages dans la cave. Les premières images apocalyptiques lorsque les protagonistes se décident enfin à mettre le nez dehors n'en sont que plus surprenantes. Même s'il n'est jamais dit explicitement qu'il s'agit d'une explosion nucléaire, on la suppose sans problème tant le travail sur les décors est parfait. D'ailleurs, Max Douy recevra pour son travail fait ici le César des meilleurs décors l'année de la sortie du film.
Le sujet étant traité de façon réaliste, le talent des comédiens est donc mis en avant notamment Michel Serrault, Jacques Dutronc, Jacques Villeret et Robert Dhéry (ce dernier étant loin de son univers des "branquignols"). Les saisons passent, les survivants apprennent à se réorganiser, remettre en place des cultures agricoles, les protéger contre des groupes d'individus redevenus sauvages (pas de scrupule pour eux à les tirer comme des lapins parce qu'ils mangent les blés) mais surtout contre le groupe de Fulbert (Jean-Louis Trintignant, excellent). Se faisant appeler "le directeur", il règne en maître dans une communauté réfugiée dans des wagons au milieu d'un tunnel. Les deux groupes passeront des négociations mais ils finiront par s'affronter, inévitablement. Après la mort de Fulbert, les communautés s'uniront pour rebâtir une nouvelle société... jusqu'à l'arrivée d'hélicoptères desquels descendront des hommes revêtus de combinaisons anti-radiation pour les emmener vers ce qu'il semble être un lieu épargné par la catastrophe. Mais le film se termine sur l'image de trois personnes à bord d'un radeau qui ont refusé de monter dans les engins.
Le film est tiré d'un roman de Robert Merle qui a pourtant refusé que son nom apparaisse au générique tant il a estimé que le film dénaturait son oeuvre. Ainsi, en dessous du titre, nous lirons simplement "Inspiré librement du roman Malevil". N'ayant pas lu Malevil, je n'ai pas la possibilité de comparer mais si l'écriture est de la même qualité que La mort est mon métier (celui-là, je l'ai lu), lire le roman fait alors partie de ma liste des choses à faire avant de mourir. Néanmoins, le film, en tant que tel, est tout à fait intéressant et intelligent de par ses sous-entendus politiques et sociaux qu'il aborde en sachant cependant éviter le discours "auteurisant". C'est suffisamment rare pour un film français de ce type pour être souligné.
Pas vu le film pour ma part... Mais le roman a changé beaucoup de choses en moi, du fait de sa profondeur, de son humanité aussi, et de tout l'espoir qui ressort malgré les souffrances.
RépondreSupprimerPar contre, c'est un livre qui demande du temps, de la patience même, tant il est un peu lent dans son rythme de départ; et puis tout va plus vite, dans la seconde partie.
Comme tout ce qu'a fait R. Merle, Malevil est un ouvrage troublant;
dans un autre genre, mais tout aussi marquant, de Merle, il y a Madrapour. Mais là on touche au sublime !
Merci pour tes articles,
Guillaume
Ah Guillaume !
SupprimerTu t'es enfin décidé à commenter sur mon blog !
Amusant que tu parles de "tout l'espoir qui ressort malgré les souffrances" parce que de l'espoir, je n'en ai pas ressenti beaucoup pendant le film. Peut-être est-ce aussi pour cette raison que Robert Merle n'a pas voulu reconnaître le film comme une adaptation de son roman.
J'imagine bien que le roman soit excellent vu ce que je peux en lire sur différents sites mais comme je le dis, le film en tant que tel est vraiment bon. Il faut certainement le prendre comme une oeuvre différente sur un même sujet.
Tu signales que le roman est lent et demande de la patience, c'est aussi le cas du film. Son rythme est assez lent mais les images sont intenses.
Je n'ai pas lu non plus Madrapour mais il m'attire bien aussi. Comme je le dis dans mon article, le seul roman de Robert Merle que j'ai lu est La mort est mon métier.
A bientôt, à Paris ou aux environs de Montreuil-sur-mer ou Le Touquet.
Séb "James"
lorsque j etais etudiant, on est parti dans les causses retrouver les restes du chateau en polystirene vers le caylar, mais impossible de retrouver la route pour y retourner...est ce que quelqu un connait les coordonees exactes ? merci
RépondreSupprimerxcdurget@orange.fr
Je ne peux malheureusement pas vous renseigner à ce sujet mais je relaie la question via mon twitter (@gaspard01), au cas où.
SupprimerTiens, je découvre cet article que j'avais manqué.
RépondreSupprimerj'ai découvert Malevil par hasard au moment d'une rediffusion à la cinémathèque de Toulouse, et je dois dire que ça a été une claque ! Jusque là, je pensais que seul les américains avaient fait des films sérieux post-apocalyptique, et je me rend compte que c'est un film français qui met sans doute une longueur d'avance, même avec ses 30 ans d'existence, à tout ce qui s'est fait aujourd'hui (à l'exception peut-être de La Route de John Hillcoat). Les effets spéciaux sont superbes, mais les acteurs et le scénarios rendent vraiment le film dans le réel. Le long prologue dans la campagne française qui ne laisse rien voir de la catastrophe est un début parfait pour tous ces personnages qu'on va voir évoluer ensuite au fil des années, et qui s'endurcissent.
Bref, un très bon film assez unique en son genre.
Comme je l'explique un peu en début d'article, Malevil m'avait fortement impressionné. Assez unique dans le cinéma français il est vrai. Il y a quelques perles comme ça, peu connues voire inconnues et avec des acteurs talentueux et reonnus, qui mériteraient un peu plus de considération.
SupprimerDepuis la mise en ligne de mon article, un dvd français est sorti. Jamais je ne l'ai vu en rayon dans un supermarché, un magasin culture (genre fnac ou cultura) ou dans une quelconque boutique où on pourrait s'attendre à le voir. En revanche, sur internet, on peut le commander (amazon par exemple).
Je n'ai pas lu le roman non plus. J'ai vu le film deux fois (la première au cinéma et je l'ai apprécié). Auparavant j'avais vu plusieurs fois à la TV le film US "Le jour du dauphin" et j'ai donc lu le roman "Un animal doué de raison".
RépondreSupprimerDans ce contexte, et au vu du peu de respect accordé au roman par Hollywood, la réaction de Robert Merles me parait étonnante, surprenante, déconcertante. A moins évidemment que je manque d'infos à ce sujet. A-t-il demandé à ce que son nom soit retiré de l'affiche du "Jour du dauphin" ? Je n'en ai tout simplement pas connaissance.
J'ignorais l'existence du film que vous citez. De quand date t-il ? Qui est le metteur en scène? Qui sont les acteurs?
SupprimerJe vous remercie