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Goldfinger (1959) - Ian Fleming

"James Bond, dans la salle d'attente de l'aéroport de Miami, se livrait à des considérations sur la vie et la mort, après avoir avalé deux doubles bourbons.
Tuer faisait partie de son métier. La chose ne lui plaisait guère, mais, lorsqu'il y était obligé, il la faisait de son mieux et l'oubliait le plus vite possible. En tant qu'agent secret dont le matricule était précédé du rarissime double 0 (ce qui lui conférait le droit de tuer où et quand il le jugeait bon), il était de son devoir de considérer la mort avec autant de calme qu'un chirurgien. Lorsque cela arrivait, c'est qu'il n'y avait pas d'autre solution à envisager. Les regrets étaient superflus. Bien plus, l'idée de la mort était profondément ancrée en James Bond."

Les considérations sur la mort qui ouvrent Goldfinger et auxquelles se livre James Bond peuvent paraître surprenantes. En réalité, elles correspondent à l'évolution du personnage. Après avoir fait tuer son héros dans From Russia with love, l'avoir "ressuscité" dans Dr No, notamment à travers un parcours d'épreuves que lui fait subir Julius No (dans mon article qui lui est consacré j'assimile ce parcours à "une renaissance pour James Bond, une sorte de nouvel accouchement dans la douleur pour redevenir ce héros qu'il était"), Ian Fleming commence son 7ème roman par un élément qui le relie à la toute première aventure de son personnage, Casino Royale, comme pour signifier que cette fois, il est de nouveau entier.

En effet, alors qu'il attend son vol pour Londres à l'aéroport de Miami, James Bond est abordé par Junius Du Pont, un millionnaire américain qui n'est autre qu'un des participants de la partie de baccarat au cours de laquelle il affrontait Le Chiffre dans le but de le ruiner et priver le SMERSH de ressources importantes. L'ayant reconnu et se souvenant de ses talents de joueur de cartes, Du Pont lui propose 10000 dollars pour découvrir comment un certain Auric Goldfinger triche à un jeu de cartes nommé la canasta. James Bond accepte et découvre comment Goldfinger s'y prend et lui fait perdre une importante somme d'argent. De retour à Londres, après s'être ennuyé quelques moments en tant qu'officier du service de nuit et par le plus grand des hasards, 007 se voit confier la surveillance du même Goldfinger qui est en réalité l'homme le plus riche du royaume d'Angleterre. Il est suspecté de trafic d'or au détriment de la couronne britannique et James Bond le soupçonne même d'être un agent du SMERSH. Immigré hongrois qui a fait rapidement fortune après son arrivée en Angleterre à la fin de la seconde guerre mondiale, il financerait par son trafic les opérations de l'URSS.

Le roman a un découpage plutôt original, en trois parties et qui correspondent aux trois rencontres entre Bond et Goldfinger (Concours de circonstance, coïncidence, déclaration de guerre) et qui renvoie à un proverbe des gens de Chicago selon le millionnaire : "La première rencontre est un concours de circonstance, la deuxième une coïncidence : la troisième, une déclaration de guerre".

On retrouve le goût de Ian Fleming pour la France puisque James Bond suit discrètement la voiture de Goldfinger à travers l'hexagone, du Touquet jusqu'à la frontière suisse en passant par Abbeville, Rouen, Orléans, Mâcon. C'est l'occasion pour l'écrivain de partager ses connaissances sur la géographie française mais aussi sur certaines particularités gastronomiques. Ainsi par exemple est mentionné le rosé d'Anjou. Il y a quelque chose d'agréablement surprenant à voir mentionnées ces villes françaises mais aussi certains fleuves et rivières (la Loire, le Rhône, la Saône) tant le James Bond cinématographique qui est le plus connu du grand public est loin de ces endroits.

Cependant, malgré deux premières parties plutôt captivantes, la dernière m'a laissé sur ma fin en raison de défauts et incohérences qui m'ont parus trop nombreux.

Pour commencer, pourquoi Goldfinger, qui détient James Bond prisonnier, décide t-il finalement de lui laisser la vie sauve pour lui donner une part active dans son projet final alors que cela fait des mois qu'il en a pensé les moindres détails ? Il n'a pas besoin de lui d'autant plus qu'à ce stade de l'intrigue, Goldfinger croit toujours que James Bond n'est pas un agent du MI6 et qu'il travaille pour Universal Exports.

Ensuite, ce plan final qui est de vider Fort Knox de ses réserves d'or me parait un peu trop gros pour être entièrement crédible. L'extravagance fait partie intégrante des oeuvres de Fleming mais ici, je trouve que ça ne fonctionne pas. Cela avait déjà été mon impression la première fois que j'avais lu le roman, elle fût la même cette fois ci. De plus, l'attaque de Fort Knox est expédiée en seulement deux chapitres sans aucune réelle intensité dramatique ni grand suspense et c'est tout juste si l'on ressent un peu d'émotion en voyant Felix Leiter, l'ami américain de James Bond déjà rencontré dans les romans précédents, arriver pour repousser Goldfinger et ses hommes.

Il faut aussi signaler, mais c'est quelque chose de récurrent chez lui, que Ian Fleming se laisse aller à quelques réflexions racistes et cette fois, ce sont les coréens qui sont visés. Par exemple, le garde du corps coréen de Goldfinger, Bon à tout, est qualifié de "vilain singe" par James Bond.

Enfin, et c'est peut-être la plus grosse faiblesse du roman, le personnage de Goldfinger apparaît comme n'étant qu'une resucée d'ennemis précédents, Le Chiffre mais surtout Hugo Drax dans Moonraker.

C'est sous le titre Opération chloroforme qu'est sortie la première édition française du 7ème roman de Ian Fleming. En plus d'être très moyen, il a pour tare de dévoiler un peu le plan de Goldfinger qu'il n'a d'ailleurs pas nommé opération chloroforme mais opération grand chelem.

Goldfinger est la 3ème adaptation cinématographique d'un roman de Ian Fleming. Sorti en 1964, c'est le film qui a propulsé James Bond au rang d'icône mondiale et qui en a fait un objet de culte. Même si l'intrigue suit à peu près celle du roman, c'est la première fois qu'on s'éloigne à ce point de la lettre de Fleming. L'univers dans lequel évolue désormais l'agent secret est fantasmé, l'ambiance sublimée. Sean Connery se montre complètement à l'aise tandis que Gert Froebe incarne parfaitement Goldfinger, lui donnant presque un côté monstrueux.

Cependant, la mise en scène de Guy Hamilton manque cruellement  d'intensité à de trop nombreux moments et le scénario contient des incohérences. Par exemple, la CIA semble pendant tout le film au service des anglais et Felix Leiter (le fade Cec Linder) prend même ses ordres directement de M.

Ce que je préfère dans le film, c'est la bande originale de John Barry et la chanson titre que Shirley Bassey interprète avec une puissance qui impressionne encore aujourd'hui.



Commentaires

  1. Vous le savez, je suis incapable de dissocier des autres un livre de la série. Par conséquent, Goldfinger est pour moi un élément de l'ensemble, cet ensemble qui me laisse un goût extraordinaire, fantastique, dans la bouche... et dans la nostalgie. En vertu de quoi, je ne vois pas, ou peu, les défauts que l'on remarque ordinairement dans ce roman. A noter qu'un des épisodes les plus frappants du film, la femme peinte en or, est présent dans le livre -- les scénaristes n'ont rien inventé --, mais d'une façon presque "ordinaire", pourrait-on dire : on apprend la nouvelle incidemment, quelque temps après cet assassinat "golden style". Et pour des choses comme ça, Fleming demeure le champion. Je tiens pour assuré qu'il a, à lui seul, autant d'imagination que les équipes de scénaristes qui se sont succédé, au cinéma, depuis l'origine.

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  2. Je sais que vous considérez l'oeuvre de Fleming comme un ensemble cohérent parce qu'il a créé un univers cohérent et vous aimez les démiurges (votre interview à propos du créateur de James Bond).

    Je ne sais plus si c'est dans votre biographie sur Fleming ou au cours de votre conférence au Touquet où vous avez signalé que The spy who loved me faisait le lien entre Thunderball et On Her Majesty's secret service car lorsque Bond apparaît, on apprend qu'il est à la recherche de Blofeld. Je ne me souvenais pas de ce détail ; Mais je ne les avais pas lu dans l'ordre chronologique à l'époque. J'ai d'ailleurs un bon souvenir de ce roman.

    Pour en revenir à Goldfinger, c'est vraiment un sentiment de déception que j'ai eu en voyant que l'attaque de Fort Knox était aussi rapide. Fleming sait tellement faire mieux. Ainsi, vous avez raison, il a autant d'imagination que les scénaristes qui ont eu pour tâche de l'adapter... et parfois très mal. Par exemple, Live and let die. Roman noir et violent, le film n'est qu'une ridicule mascarade.

    Enfin, l'assassinat "Golden style" comme vous dites (jolie formulation), j'ai été étonné qu'il ne soit pas décrit dans l'action mais qu'il soit rapporté par Tilly Masterson. Je ne me souvenais pas non plus de ce détail, la scène du film étant tellement marquante (et je l'ai tellement vu aussi) que je pensais que la scène était similaire dans le roman d'origine.

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  3. Eh oui, l'image est frappante et tous, nous la pensons aujourd'hui telle, dans le livre. Et pourtant, non. On apprend la nouvelle incidemment. On mesure là la force du cinéma, mais aussi, finalement, la tendance des scénaristes à aller au plus facile : ils amplifient un détail du livre, simplement parce qu'il a "de la gueule".

    Pour ce qui est de l'espace-temps détaillé de l'ensemble de la série, et notamment Motel 007 qui fait le lien entre Opération Tonnerre et Au service secret de Sa Majesté, je vous rappelle l'indispensable bible en anglais que l'on doit à John Griswold :

    http://books.google.fr/books?id=uariyzldrJwC&printsec=frontcover&dq=in+james+bond+stories&source=bl&ots=W4bTdnS8yd&sig=xcrOg_RXAqZqMqG6n1Nb4Q9xjUI&hl=fr&sa=X&ei=CfAcUJSsAaiW0QWcq4GYCA&redir_esc=y#v=onepage&q=in%20james%20bond%20stories&f=false

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    1. Oui, je n'ai pas oublié cet ouvrage. Il faut que je le commande et le lise évidemment. C'est prévu.

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