"L'homme ne faisait que passer. Voilà ce que semblait dire la montagne.
Une arête colossale jaillissait de la roche, haute d'un millier de mètres, grise, veinée de stries blanches d'où s'envolaient des arabesques de poudre à chaque rafale, un promontoire vertigineux qui dominait la vallée, couvrant le village de La Giettaz de son ombre permanente, immuable face à la puissance du soleil ancestral.
Cette montagne écrasait tout le paysage de sa majesté depuis des millions d'années, pour encore au moins aussi longtemps.
Le village niché entre deux replis de ce géant minéral n'était, lui, que petites maisons de briques, de planches et d'ardoises, descendantes de huttes branlantes, filles de bicoques bricolées avec de la terre séchée et des fagots de bois, menacées à chaque tempête, malmenées à chaque hiver ou par le moindre vent violent.
Ici le paysage tout entier rappelait que l'homme ne faisait que passer sur l'écorce de la Terre. Il n'était qu'un parasite vaguement persistant qui, bientôt, ne serait plus identifiable qu'aux fossiles de sa civilisation. La montagne, elle, n'aurait presque rien senti de cette courte présence entre ses jambes et sur ses reins."
La patience du diable que j'ai lu l'année dernière est en quelque sorte une suite à La conjuration primitive. Du moins, c'est dans ce dernier que l'on fait connaissance avec, entre autres, Ludivine Vancker, enquêtrice au sein d'une brigade de gendarmerie confrontée à des tueurs en série signant leurs crimes d'un énigmatique *e. Ce qui trouble les enquêteurs est que ces tueurs semblent s'organiser entre eux alors qu'ordinairement, la psychologie de tels psychopathes les conduit à agir seuls.
Dépassés, les enquêteurs font appel à un criminologue renommé, Richard Mikelis, mais celui-ci refuse dans un premier temps d'apporter son aide. En effet, ne supportant plus la violence à laquelle il a été confronté pendant plusieurs années, il a décidé de raccrocher... avant de revenir sur sa décision et de s'impliquer dans l'enquête.
Le style se veut rythmé. Les scènes de crime et les péripéties s'enchaînent assez rapidement aux dépends parfois de la qualité d'écriture ; mais Maxime Chattam a pour lui cette facilité de pouvoir créer des personnages attachants, en tête ici Ludivine Vancker.
Rebondissement classique, il était évident que le criminologue allait tôt ou tard réapparaître, attiré par le challenge que représente l'affaire qui lui a été proposée en début de livre ; et dans le cas présent, c'est tôt, permettant ainsi aux enquêteurs de progresser rapidement grâce à ses talents de criminologue. Le résultat est que les déductions de Mikelis apparaissent comme des facilités permettant à l'enquête d'avancer pratiquement à chaque fois qu'il ouvre la bouche.
Le récit est ponctué par des crimes qui ne se limitent plus alors au territoire français mais qui commencent à s'étendre sur plusieurs pays d'Europe en se faisant de plus en plus violents ; et toujours ce même symbole : *e. Impossible d'oublier cette plongée dans une mine de sel en Pologne où les corps nus ouverts aux chairs de pauvres victimes vivantes y ont été jetés... En lisant de telles lignes, je me demande parfois si leurs auteurs (Maxime Chattam ici mais je pense aussi à Franck Thilliez) sont réellement sains d'esprit. Et qu'en est-il de ceux qui, comme moi, prennent plaisir à les lire ?
A partir de la moitié du livre, l'enquête adopte un rythme intense mais peut-être un peu routinier mais c'est surtout pour mieux happer le lecteur dans un environnement terrifiant. Je ne m'y attendais en rien et j'étais partagé entre admiration pour l'auteur pour avoir su attraper les lecteurs de cette façon (en effet, combien sont-ils à ne pas avoir su anticiper l'étau dans lequel s'enferment les enquêteurs ?), effroi pour avoir imaginé un tel endroit et excitation car les cinquante dernières pages s'annonçaient alors excitantes. Malheureusement, il ne m'a pas semblé que l'écrivain allait au bout de sa logique en sortant ses personnages de la situation par une pirouette un peu facile. Cela dit, le style de Chattam étant cinématographique, d'intenses images qui pourraient constituer un beau final de film sont proposées aux lecteurs. Je voyais très bien ce qu'elles pouvaient donner sur grand écran dans les mains d'un bon metteur en scène.
Une arête colossale jaillissait de la roche, haute d'un millier de mètres, grise, veinée de stries blanches d'où s'envolaient des arabesques de poudre à chaque rafale, un promontoire vertigineux qui dominait la vallée, couvrant le village de La Giettaz de son ombre permanente, immuable face à la puissance du soleil ancestral.
Cette montagne écrasait tout le paysage de sa majesté depuis des millions d'années, pour encore au moins aussi longtemps.
Le village niché entre deux replis de ce géant minéral n'était, lui, que petites maisons de briques, de planches et d'ardoises, descendantes de huttes branlantes, filles de bicoques bricolées avec de la terre séchée et des fagots de bois, menacées à chaque tempête, malmenées à chaque hiver ou par le moindre vent violent.
Ici le paysage tout entier rappelait que l'homme ne faisait que passer sur l'écorce de la Terre. Il n'était qu'un parasite vaguement persistant qui, bientôt, ne serait plus identifiable qu'aux fossiles de sa civilisation. La montagne, elle, n'aurait presque rien senti de cette courte présence entre ses jambes et sur ses reins."
La patience du diable que j'ai lu l'année dernière est en quelque sorte une suite à La conjuration primitive. Du moins, c'est dans ce dernier que l'on fait connaissance avec, entre autres, Ludivine Vancker, enquêtrice au sein d'une brigade de gendarmerie confrontée à des tueurs en série signant leurs crimes d'un énigmatique *e. Ce qui trouble les enquêteurs est que ces tueurs semblent s'organiser entre eux alors qu'ordinairement, la psychologie de tels psychopathes les conduit à agir seuls.
Dépassés, les enquêteurs font appel à un criminologue renommé, Richard Mikelis, mais celui-ci refuse dans un premier temps d'apporter son aide. En effet, ne supportant plus la violence à laquelle il a été confronté pendant plusieurs années, il a décidé de raccrocher... avant de revenir sur sa décision et de s'impliquer dans l'enquête.
Le style se veut rythmé. Les scènes de crime et les péripéties s'enchaînent assez rapidement aux dépends parfois de la qualité d'écriture ; mais Maxime Chattam a pour lui cette facilité de pouvoir créer des personnages attachants, en tête ici Ludivine Vancker.
Rebondissement classique, il était évident que le criminologue allait tôt ou tard réapparaître, attiré par le challenge que représente l'affaire qui lui a été proposée en début de livre ; et dans le cas présent, c'est tôt, permettant ainsi aux enquêteurs de progresser rapidement grâce à ses talents de criminologue. Le résultat est que les déductions de Mikelis apparaissent comme des facilités permettant à l'enquête d'avancer pratiquement à chaque fois qu'il ouvre la bouche.
Le récit est ponctué par des crimes qui ne se limitent plus alors au territoire français mais qui commencent à s'étendre sur plusieurs pays d'Europe en se faisant de plus en plus violents ; et toujours ce même symbole : *e. Impossible d'oublier cette plongée dans une mine de sel en Pologne où les corps nus ouverts aux chairs de pauvres victimes vivantes y ont été jetés... En lisant de telles lignes, je me demande parfois si leurs auteurs (Maxime Chattam ici mais je pense aussi à Franck Thilliez) sont réellement sains d'esprit. Et qu'en est-il de ceux qui, comme moi, prennent plaisir à les lire ?
A partir de la moitié du livre, l'enquête adopte un rythme intense mais peut-être un peu routinier mais c'est surtout pour mieux happer le lecteur dans un environnement terrifiant. Je ne m'y attendais en rien et j'étais partagé entre admiration pour l'auteur pour avoir su attraper les lecteurs de cette façon (en effet, combien sont-ils à ne pas avoir su anticiper l'étau dans lequel s'enferment les enquêteurs ?), effroi pour avoir imaginé un tel endroit et excitation car les cinquante dernières pages s'annonçaient alors excitantes. Malheureusement, il ne m'a pas semblé que l'écrivain allait au bout de sa logique en sortant ses personnages de la situation par une pirouette un peu facile. Cela dit, le style de Chattam étant cinématographique, d'intenses images qui pourraient constituer un beau final de film sont proposées aux lecteurs. Je voyais très bien ce qu'elles pouvaient donner sur grand écran dans les mains d'un bon metteur en scène.
Commentaires
Enregistrer un commentaire