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Gainsbourg, vie héroïque (2010) - Joann Sfar

Les marchands ont voulu nous faire croire que 2011 était l'année Gainsbourg car il était mort 20 ans plus tôt. C'était aussi l'année Coluche car lui était mort il y a 25 ans. Je n'ai pas l'impression qu'en réalité ça ait intéressé grand monde pour l'un comme pour l'autre. Il n'y a que les bonimenteurs que ça intéressait en tentant de nous mettre dans le crâne qu'il fallait acheter leurs éditions spéciales d'anciens albums remastérisés comme jamais auparavant. La soit disant année Gainsbourg/Coluche est finie, je pouvais enfin regarder Gainsbourg - Vie héroïque sans avoir l'impression de me faire avoir ; et au moins le film de Joann Sfar avait eu le bon goût de sortir en 2010 sans vouloir profiter de cette tentative de pseudo commémoration artificielle.

Les films biographiques, les biopics comme il faut dire aujourd'hui, en général, ça finit par m'ennuyer plus ou moins en milieu de métrage. N'aimant pas ne pas aller au bout d'une oeuvre (cinématographique, littéraire, etc.) aussi nulle soit-elle (par exemple, les films où je ne suis pas allé jusqu'au générique de fin se comptent sur les doigts d'une main), j'attends poliment que ça se termine en espérant qu'au moins une scène m'interpellera par sa beauté. Ce que je reproche aux biopics, c'est qu'ils sont souvent beaucoup trop consensuels, les auteurs semblant frileux à explorer réellement le sujet qu'ils illustrent et finissant toujours par servir au public des choses qu'il sait déjà en l’assommant de portes ouvertes et le gavant de guimauves et de moments émotionnels fabriqués : "Ici, riez ! Là, pleurez ! Maintenant vous devez vous dire que quand même c'était une personne géniale". Du mélo en veux-tu, en voilà ! En fin de compte, on n'est pas sorti de ce que démontrait John Ford dans The man who shot Liberty Valance : "When the legend becomes fact, print the legend".

Avec son Gainsbourg, vie héroïque, Joann Sfar a tenté quelque chose de différent.

Son Serge Gainsbourg est suivi par une sorte de double représentant en quelque sorte sa bonne ou mauvaise conscience. Se confiant à Boris Vian à propos de ce double parfois embarrassant, ce dernier lui confie qu'il en a un aussi, que le sien est un loup-garou et que tous les poètes en ont un.



Plusieurs moments de la vie de Serge Gainsbourg sont mis en scène mais Sfar ne se soucie guère de la véracité des moments qu'il filme. Ainsi, le film baigne souvent dans une ambiance onirique où fantasmes et réalités se confondent sur fond de musique gainsbourgienne. D'ailleurs, l'affiche du film prépare à cette atmosphère puisqu'on peut y lire : "Un conte de Joann Sfar".

Ce parti pris original donne t-il pour autant un biopic réussi ?

Sortant des sentiers battus du genre, le film est assez réussi jusqu'à la rencontre avec Jane Birkin et la période Gainsbarre qui s'installe. Débutant avec la confrontation de l'artiste à des paras venus en découdre avec lui lors d'un concert pour avoir fait une version reggae de La Marseillaise, Sfar semble moins à l'aise, comme s'il ne comprenait plus l'état d'esprit de l'homme à la tête de chou pendant cette période. Il évitera d'ailleurs de mettre en scène le billet de 500 Francs brûlé et l'émission avec Whitney Houston chez Michel Drucker.



Côté casting, Eric Elmosnino est Serge Gainsbourg sans chercher systématiquement le mimétisme. Laetitia Casta est une B.B étonnamment juste tout comme Lucy Gordon qui joue Jane Birkin. Je suis plus sceptique au sujet de Sara Forestier qui fait de France Gall une idiote finie (c'est peut-être le cas après tout). Quant à Philippe Katerine dans le rôle de Boris Vian, c'est franchement une insulte à l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes.

Joann Sfar, qui vient de la bande dessinée et dont c'est le premier long-métrage, a osé quelque chose qu'il n'a pas entièrement réussi. En fin de compte, malgré une approche originale, il a filmé la légende et pas la réalité.

Serge Gainsbourg est mort le 2 mars 1991. C'était un samedi. Le lundi matin, dans le bus scolaire qui m'emmenait au lycée, la radio ne parlait que de ça. Une nana a lancé : "Avant tout le monde le trouvait dégueulasse. Maintenant qu'il est mort, tout le monde l'aime".


Commentaires

  1. Gainsbourg était un grand bonhomme, un écorché talentueux et inventif.
    2011 : vingt ans de la mort de Gainsbourg, vingt-cinq ans de celle de Coluche, trente ans de celle de Brassens, vingt ans de celle de Montand... J'en passe. Les marchands de papier, goinfrés, préparent alors 2012 : cinquante ans de la fin de la guerre d'Algérie, cinquante ans de la mort de Marylin Monroe... J'en passe, de nouveau. Ils ont encore faim, les monstres !
    Mon Dieu, vous étiez au lycée en 1991... Ah là là...

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    Réponses
    1. J'ai découvert Gainsbourg en 1986 avec Lemon incest, il était déjà dans sa période Gainsbarre. Pour moi à cette époque, c'était celui qui arrivait imbibé d'alcool sur les plateaux tv et qui chantait des textes provocateurs. J'étais plutôt branché Renaud que j'avais découvert à peu près un an auparavant.

      Puis il y a eu Aux enfants de la chance et sa reprise de Mon légionnaire. J'ai cherché à en savoir un peu plus quand même et peu à peu j'ai découvert des perles dans différents genres musicaux qu'il a pu exploiter. C'est comme ça par exemple que j'ai compris pourquoi Renaud clame dans Où c'est qu'j'ai mis mon flingue : "La Marseillaise même en reggae, ça m'a toujours fait dégueuler".

      De Gainsbourg, j'ai mes morceaux préférés, à toutes périodes de sa carrière.

      Vous avez raison, c'était aussi les 30 ans de la mort de Brassens. Il y a eu la diffusion d'un téléfilm regardable mais loin d'être à la hauteur de sa personne. Pour Montand, je ne savais pas. Mais dans le fond, pas besoin d'un nombre rond anniversaire pour écouter ou lire ces artistes.

      Et oui, j'étais au lycée en 1991. Comme c'est loin...

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